La finesse d’un avion et la trajectoire en cas de panne

Mon moteur vient de s’arrêter… d’un coup. Mon avion devient un planeur.
J’ai aussitôt mis du manche à piquer afin de conserver la vitesse de finesse max (76 knots sur mon C172) et mon incidence
Après les actions de secours, il est temps de me demander où je vais pouvoir poser mon avion. Jusqu’où mon avion va-t-il planer ? Quelle trajectoire choisir ?

Quelle est la piste la plus proche ?

Je suis à 6000 pieds du sol, ce qui fait un peu moins de 1 Nautical mile (Nm).

Mon avion a une finesse de 10, je me souviens l’avoir lu sur le manuel de vol de mon Cessna.

Mon GPS, après avoir appuyé sur la touche
« nearest », m’indique que la piste la plus proche est sur une route au 272° pour 8 Nm.

Panne moteur en avion

La question est la suivante : mon C 172 arrivera-t-il à planer jusqu’à cette piste ?

En quoi la finesse nous renseigne
sur le vol plané de l’avion ?

La finesse d’un avion est exprimée par le rapport de la portance sur la traînée. C’est déjà une bonne explication.

Si le rapport est grand, 15 par exemple, on doit comprendre que l’avion produit 15 fois plus de portance que de traînée…Ça parle quand même !

Définition de la finesse en avion

On retiendra qu’un avion fin à un bon rapport portance/trainée.

Si l’avion a une faible finesse

Deux avions Rafale en vol de finesse faible
Avion Rafale au sol

Prenons l’exemple du Rafale et sa finesse très faible de 5, on comprend tout de suite qu’il va avoir besoin de gros moteurs pour voler et que si les moteurs s’arrêtent, sa capacité à planer sera faible.
Bien sûr, cet avion a d’autres avantages et n’a pas été conçu pour planer.

Si l’avion a une forte finesse

Un planeur de compétition comme l’ETA possède une finesse de 72… ! Ce planeur crée de la portance avec un sillage (une traînée) presque inexistante, c’est impressionnant… Ce planeur a bien-sûr été conçu pour maximiser sa capacité à planer.

Quelles sont les finesses caractéristiques des aéronefs ?

Ordres de grandeur des finesses des aéronefs
Planeur en vol de finesse forte
Cessna en vol
Airbus A380
Hélicoptère en vol montagne

Comment la finesse de l’avion nous éclaire
sur la trajectoire en panne moteur ?

Nous avons vu que la finesse s’exprime par le rapport portance/trainée, or portance et traînée ne diffèrent que par leurs coefficients.
Donc ce rapport vaut Cz/Cx.
Il est intéressant de visualiser ce rapport sur une courbe qu’on appelle une polaire de Eiffel.

La polaire de Eiffel


Nous cherchons sur cette courbe à obtenir une portance (Cz) qui va maintenir mon avion en vol pour une trainée (Cx) la plus faible possible… Ainsi j’obtiens une trajectoire la plus efficiente possible, c’est ce que je cherche quand je suis en panne.
Quand on souhaite obtenir le meilleur Cz pour le plus faible Cx, les mathématiciens nous expliquent que ce point est obtenu en traçant la droite à l’origine tangente à la polaire.

L’image de ce point sur la courbe donne une vitesse avion : c’est la vitesse de finesse maximale notée Vfmax.
Cela veut dire que si je maintiens une telle vitesse, moteur à l’arrêt, l’avion vole à sa finesse maximale. C’est à cette vitesse qu’il ira le plus loin.
Ce n’est qu’à cette condition de vitesse que j’obtiens la meilleure finesse de mon avion.

Et si je vole plus vite ? Moins vite que la Vfmax ?

  • Si je vais plus vite, la traînée augmente et j’irai moins loin.
  • Si je vais moins vite, la traînée augmente et j’irai moins loin.

Dans le cas qui nous intéresse ici, avec mon Cessna, j’ai lu dans le manuel de vol que la finesse de cet avion vaut 10 et que la vitesse associée est de 76 kt : c’est la Vfmax à maintenir en vol plané si je veux que ma trajectoire aille le plus loin possible.

Si la finesse n’était exprimée que par le rapport portance /trainée, ce serait assez embêtant pour s’en servir en vol…
Heureusement le rapport Cz/Cx s’exprime aussi avec des valeurs beaucoup plus intéressantes et exploitables une fois en vol. Car pour l’instant je ne sais toujours pas jusqu’où je vais planer…

Jusqu’où va m’emmener ma trajectoire ?

Enfin, le plus important sera le rapport qui donne f= d/h 
La finesse est égale au rapport de ma distance sur ma hauteur soit :
Distance= finesse x hauteur 

Il me suffit de multiplier ma hauteur par ma finesse pour obtenir la distance sur laquelle je vais planer…

Trajectoire en vol plané

Avec cette expression, on peut visualiser de façon simple et pratique notre finesse.
Si mon avion a une finesse max de 10, alors moteur arrêté, je pourrai parcourir 10 fois ma hauteur !
C’est très parlant.

Avec une finesse comme celle des meilleurs planeurs actuels (f=72), on parcourt 72x la hauteur…

Attention aux unités dans l’utilisation de la finesse !

Il faut faire attention aux unités, car un pilote exprime la hauteur en pieds et la distance en Nm… Il est juste nécessaire d’être cohérent. 

Si je veux obtenir une distance à la fin de mon petit calcul, il est nécessaire d’exprimer la hauteur en Nm, ce qui n’est pas usuel, généralement on parle des hauteurs en pieds.Alors on a une petite règle pour rapidement et facilement transformer une hauteur en Nm.

6000 pieds = 1 Nm
Évidemment, on n’est pas toujours à 6000 ft, alors il faudra se débrouiller.
Exemple : 3000 ft = 0,5 Nm
1500 ft =0,25 Nm
9000 ft = 1,5 Nm
Etc

Les distances obtenues sont des distances air : elles correspondent à la distance que l’on peut franchir dans l’air, pas par rapport au sol (sauf si ce jour-là, il n’y a aucun vent).
Si je reprends l’exemple de mon Cessna à 6000 ft, donc 1 Nm, avec sa finesse de 10, alors je peux planer sur une distance de 10 Nm.
Enfin, en cas de panne, il faut aussi savoir à quelle distance se trouve un endroit où l’on pourra poser notre appareil en toute sécurité, une piste serait l’idéal, bien sûr.

Le GPS est une aide précieuse
dans ma prise de décision !

GPS avion

Ça tombe bien il y a un GPS dans notre avion et on va s’en servir.
Sur tous les GPS, il y a une touche « nearest » qui présente toutes les pistes autour de vous, en commençant par la plus proche (nearest).

L’aide du GPS à ce moment ne va pas s’arrêter là. Il va aussi donner pour chaque piste autour de vous :
La distance pour la rejoindre (en Nm)
La route pour rejoindre la piste (en degrés)
La longueur de la piste (LDA : Landing Distance Available)
La fréquence à utiliser dans l’EA (Espace Aérien) de la piste.

Bref, tout ce qu’il faut pour pouvoir choisir ou orienter le nez de l’avion vers une piste atteignable et compatible.
Il reste à considérer l’élément que l’on oublie trop souvent en avion, le vent 💨 !

Ma trajectoire va être impactée par le vent

Cela va nous faire passer d’une distance air que l’on a établie plus haut à une distance sol qui nous intéresse finalement davantage puisque, moteur en panne, je vais bien finir par arriver au sol…
L’effet du vent est important sur un avion avec son moteur en panne. Il est à la vitesse de finesse max qui se trouve aux environ de 76 kt pour un avion d’aéro-club.
Si le vent est de 25 kt, cela représente presque un tiers de la Vfmax… ce qui va se révéler ÉNORME !
Alors comment inclure le vent dans ma trajectoire avion en panne ?

Impact du vent sur la trajectoire

Le vent représente le déplacement de la masse d’air et va s’ajouter ou se retrancher à ma propre vitesse air (ma vitesse indiquée) si je suis dans l’axe du vent : vent arrière ou vent de face.
Si je suis vent de travers, le vent n’aura pas d’influence sur la distance que je vais pouvoir parcourir en planant. 

Quelle sera finalement ma trajectoire ?

Nous sommes en C172 à 6000 ft toujours et pointant dans la direction de la piste (elle se trouve sur une route 172°). Imaginons que le vent vient de l’Ouest, comme souvent en France, et qu’il souffle à 25kt.
Avec la hauteur à laquelle je suis et ma finesse de 10 à la Vfmax de 76kt, je parcours 10 Nm en distance air.
Mais avec un vent de face de 25kt (1/3 de ma vitesse !!) Je parcourrai moins que ça !! Et il se pourrait que je n’arrive pas jusqu’à la piste qui se trouve à 8 Nm (énoncé de début d’article). TOO BAD ! Heureusement que c’était un exercice !

Le vent a beau être « invisible », il n’en demeure pas moins un élément premier de nos trajectoires avion. Attention à s’en souvenir chaque fois que l’on monte à bord !

Le poids de mon avion, lourd ou léger,
a-t-il une importance ?

Une derrière chose avant de clore cet article : est-ce que le poids de mon avion est important pour évaluer la distance franchissable en étant en panne ?
Autrement dit, avec mon C172, est-ce que la distance franchissable en panne va varier si je suis seul à bord ou si on est quatre ?
Si je pose la question encore différemment : la masse de l’avion influence t’elle la finesse ?
Et la réponse est : NON !
La finesse est indépendante de la masse de l’avion (pour un même avion, bien sûr). 
Mon C172 franchira la même distance en panne que l’on soit lourd ou léger.

Il y a bien quelque chose qui va varier avec la variation de masse : c’est la Vfmax !
En effet, plus mon avion est lourd, plus la vitesse à afficher sera élevée. La conséquence directe sera que j’arriverai au sol plus vite en étant lourd qu’en étant léger (si j’ai pris la peine de faire varier ma Vfmax).

Quelles sont les grandes lignes à retenir ?

Avion en panne moteur, je deviens un planeur et je me réfère à ma finesse pour obtenir rapidement ma distance air franchissable.
Pour prendre la décision de la direction à prendre, je m’aide du GPS, mais je dois intégrer le vent pour obtenir une distance sol réaliste…
Bien sûr, je n’oublie pas de prévenir l’ATC de ma situation… mais c’est un autre article !

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