Contrôleur aérien – Partie 2 -Études et formation

Nous avons rencontré Kristel, qui est contrôleuse aérienne à la tour de Tahiti-Faa’a.
Nous avons choisi de scinder son interview en deux parties : ce deuxième article explique les études et la formation pour devenir contrôleur aérien.
Vous pouvez également découvrir notre premier article consacré à la description du métier, les tâches exercées, les avantages et inconvénients, les enjeux 😎
Vous pouvez choisir de visionner l’intégralité de l’interview en vidéo ou d’en lire un résumé dans l’article ci-dessous.
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Les études et la formation de contrôleur aérien expliquées par Krystel

Krystel : Je m’appelle Krystel, je suis contrôleuse à la tour de Tahiti depuis 4 ans. Avant cela, j’avais passé mon BIA avec Cédric, puis j’ai fait une prépa en France pour devenir contrôleuse pendant 2 ans. C’était à Bordeaux, en prépa maths sup, maths spé, et j’ai passé le concours pour être contrôleuse à l’ENAC. C’est la seule école qui permet d’être contrôleur civil. À l’issue de mes deux années à l’ENAC, j’ai été mutée à Tahiti, et cela fait maintenant 4 ans que je suis à la tour de Tahiti.

Stagiaire contrôleur aérien

Cédric : En étant aussi jeune et en arrivant sur une tour importante, as-tu réussi à prendre tes marques rapidement ?

Krystel : Oui, parce qu’on est bien encadré. Dès qu’on arrive sur une tour, on est stagiaire sur cette tour avec un instructeur à côté de nous, comme à l’auto-école, pendant environ un an et demi, deux ans. Mais on a déjà des notions enseignées à l’ENAC. Donc, en arrivant sur la tour où l’on va travailler, on doit juste apprendre les timings précis. C’est une adaptation à cette tour-là. C’est aussi le cas pour des contrôleurs qui viennent d’autres aéroports et arrivent ici. Ils doivent se former aux spécificités de l’endroit où ils sont affectés. Mais cela se passe bien.

Les contrôleurs doivent-ils passer la licence de pilote privé (PPL) ?

Krystel : En fait, dans la formation pour être contrôleur aérien à l’ENAC, il y a plusieurs stages obligatoires, dont le stage PPL dont tout le monde rêve, où pendant deux mois et demi on est dans un aéroclub de l’ENAC et on fait du pilotage tous les jours. Le but est d’obtenir le PPL si possible, si la météole permet, au moins un LAPL. Tous les contrôleurs, en tout cas de France, ont ce stage, mais il n’y a pas d’obligation d’obtenir le PPL. C’est vraiment pour se mettre à la place du pilote. C’est sûr qu’ils ont déjà fait quelques heures de pilotage.

Les qualités d’un contrôleur aérien

Krystel : Dans la tour dans laquelle je suis, mais aussi dans plusieurs autres tours de France, on travaille en équipe. Une zone de contrôle est délimitée en différents secteurs, à gauche, à droite, au-dessus et en dessous. On fonctionne avec tous les secteurs adjacents. On communique donc constamment avec les autres.
Une des qualités d’un bon contrôleur est de savoir travailler en équipe et faire preuve d’adaptabilité, car les autres ne travaillent peut-être pas comme nous. Il faut surtout avoir de la patience et écouter ce qui se passe dans les autres secteurs.

Cédric : Pendant ta formation ou avant, tu pensais que ce serait comme ça ? Tu as été surprise quand tu t’es retrouvée en condition de travail ?

Krystel : Pas forcément, car en formation à l’ENAC, on a de grandes salles de simulateurs. Dans ces salles, on travaille déjà en secteur adjacent avec les autres élèves de notre promo. On comprend donc qu’il y a différentes manières de contrôler, de comprendre la réglementation, chacun sa manière de faire. Déjà à l’ENAC, on nous apprend à travailler en équipe. Sachant qu’on est 32 dans la classe, il y a parfois 32 manières de faire la même chose.

La sélection du concours de l’ENAC contrôleur aérien

Krystel : Il y a deux ans de classe prépa : il faut apprendre les maths, la physique, l’anglais, le français, comme au lycée. On réussit le concours basé sur ces critères.
À la fin du concours, lorsqu’on le réussit et qu’on entre à l’ENAC, c’est vraiment tout autre chose. On ne fait plus de mathématique ni de physique, mais des choses spécifiques comme les principes du vol de l’avion, les moteurs, les différents types d’aéronefs, les procédures de vol, toute la réglementation... On apprend vraiment ce qu’on utilisera tous les jours au travail. D’un jour à l’autre, on est vraiment immergé dans le travail.
Pour certaines personnes, elles se rendent compte que ce n’est pas ce à quoi elles s’attendaient, mais il y en a très peu. Pour le concours, il y a donc les écrits et aux oraux, il y a des entretiens de motivation.
Aux oraux, le jury voit si la personne est faite ou pas pour le métier. Il faut se renseigner, car ils posent des questions standards : “Quels sont les quatre différents postes de contrôle ?”
Lors de ta formation, tu es qualifié sur chaque poste et ensuite, tous les jours, tu changes de place : 2 heures le sol, 2 heures l’approche, 2 heures la tour. Alors que le contrôleur en route fait de l’en route toute la journée.

L’attribution des postes de contrôleur aérien

Nathalie : Une fois diplômé de l’ENAC, tu choisis d’être contrôleur en route ? Est-ce que c’est une spécialité ?

Krystel : Non. Quand on est à l’ENAC, on apprend tout. Comment sait-on où l’on va ? Là, c’est vraiment la loterie. Dans une promo, on est au maximum environ 32. Sur les 32 élèves, Il y aura un classement basé sur les évaluations qu’on a eues. Le premier de la classe choisit en premier, le dernier prend ce qui reste. Il y aura autant de postes que d’élèves dans la classe. Chaque année, cela change en fonction des départs à la retraite, des mutations, des places qui se libèrent. Rien n’est figé, car lors de la première mutation, on arrive là où on est muté. Après quelques années de contrôle, on peut demander à changer d’endroit. Ce n’est pas parce qu’on a commencé dans une tour de contrôle qu’on ne peut pas aller dans un centre régional après. On peut muter d’un type de contrôle à un autre.

Les critères du concours ENAC contrôleur aérien

Krystel : Pour passer le concours de contrôleur, il faut avoir fait 2 ans de prépa. Mais il y a d’autres critères à remplir : être âgé de moins de 26 ans avoir un casier judiciaire vierge, être ressortissant de l’Union européenne, avoir une nationalité qui en fait partie, donc français, c’est bon, et surtout, avoir une aptitude médicale, comme pour les pilotes.
Très souvent, des élèves passent les écrits, les oraux, et au moment de rentrer à l’école, on leur fait passer le médical. Et là, problème : inapte. Quand on est inapte médical, c’est définitif, on ne pourra plus jamais passer le concours. 
Donc avant de passer ce concours, il faut bien se renseigner pour savoir si tout va bien. Par exemple, je suis myope, mais pour la myopie, il y a une certaine tolérance. Si les jeunes sont diabétiques, il faudra vérifier si c’est possible. Certains sont épileptiques, il me semble que ce n’est pas bon. Daltonien, il y a une certaine tolérance, mais il faut faire attention car les alertes sur le radar sont de couleurs différentes. Les oreilles, les poumons… Il est conseillé de ne pas fumer car une radio des poumons doit être faite. Il faut avoir du souffle pour parler.
Il est possible de faire une visite médicale avec un médecin aéronautique, mais de toute façon, on refera une visite d’aptitude à l’entrée à l’ENAC, juste avant d’arriver à l’école pour valider que l’élève est reçu.

Nathalie : Oui, cela fait partie des conseils que tu peux donner. Comme Cédric dit à ses élèves : “avant de vous engager dans des études de pilotage, vérifiez votre aptitude médicale.”

Krystel : Car cela serait dommage d’avoir fait tout cela et de se rendre compte qu’on ne peut pas. C’est quelque chose sur lequel il n’y a pas de négociation. On a une visite médicale complète tous les deux ans. À cette visite, ce n’est pas possible de mentir.

La préparation du concours ENAC contrôleur aérien et l’importance de l’anglais 🇬🇧

Nathalie : Il faut préciser qu’une classe prépa est difficile. Cela demande rigueur et travail permanent.

Krystel : Le métier de contrôleur aérien est très demandé, il y a énormément de concurrence pour le concours. Chaque année, il y a entre 30 et parfois 120 places, pas plus pour 2000 élèves inscrits. Il faut vraiment tout donner. Il faut avoir un bon dossier au lycée et surtout être très bon en anglais. Tout le monde est très bon en physique, très bon en mathématiques, mais c’est l’anglais qui fera la différence. Le coefficient appliqué aux examens en anglais est très haut. Pour se démarquer, il faut être très bon en anglais.

Cédric : C’est exactement ce qui se passe dans l’aéronautique pour être professionnel, c’est le critère maintenant. Cela n’a pas été souvent le pilotage, mais maintenant c’est très marqué que ta place dépend de l’anglais.

Krystel : Beaucoup d’élèves ont passé le concours comme contrôleur et ont fait un ou deux mois dans un pays anglophone pour se parfaire en anglais, et ensuite qui ont tenté le concours. Cela se voit tout de suite : ils ont engrangé des points en anglais qui les ont fait passer bien au-dessus des autres, qui étaient meilleurs en physique et en mathématiques.

Cédric : C’est une stratégie payante sans énormément d’efforts. Pour être bon en maths ou en physique, il faut des années de travail. Pour être bon en anglais, c’est moins. Cela demande un investissement, parce que tu pars à l’étranger mais c’est payant rapidement.

Krystel : Durant la formation à l’ENAC ou même ici, on a un suivi continu en anglais et beaucoup de cours avec des professeurs très souvent natifs anglais.

Les matières enseignées au BIA pour un futur contrôleur aérien

Cédric : Je suppose que Krystel, te souviens-tu quand on a fait le BIA, en tout cas, je m’en souviens bien. Il me semblait que tu avais compris que dans ton futur métier, ce qu’on voyait au BIA allait être une base qui allait vraiment te servir.

Krystel : Oui, c’est ça. À l’ENAC, on ne demande pas explicitement d’avoir fait de l’aéronautique avant, mais avoir fait le BIA donne une avance sur les autres, sur les cours. Cela augmente les chances d’être bien classé et d’obtenir une tour qui nous intéresse. Cela permet aussi d’être un peu plus immergé dans ce monde-là et de se dire si c’est fait pour moi ou non. On n’est pas étonné une fois arrivé à l’ENAC. Il n’y a que des avantages à faire cela. Certains veulent être pilotes, mais avec le BIA, ils se disent peut-être que je ferai plus contrôleur, mécanicien des avions ou que je travaillerai à la météo pour les contrôleurs. Parfois, on ne sait pas toujours ce qu’on veut faire. On sait qu’on veut faire de l’aéro, mais le BIA ouvre des portes sur plusieurs métiers. On se dit « c’est peut-être ce métier qui m’intéresse plus qu’un autre ».

Nathalie : Le programme du BIA est particulièrement bien fait. On y apprend la météo, les principes du vol, la connaissance des aéronefs, les facteurs humains. Et puis l’aspect Histoire aussi, pour avoir une culture aéronautique.

Krystel : Pour tous les concours de l’ENAC qui demandent un entretien de motivation, comme pilotes et contrôleurs, il y en a plusieurs, on nous pose des questions : « Est-ce que tu t’es déjà intéressé à l’aéronautique avant ? »  » Oui, j’ai mon BIA, j’ai mon PPL, j’ai déjà visité une tour. » Cela donne un petit plus aux oraux qui montre que cet élève on veut l’avoir chez nous. Il est à sa place et cela fait un moment qu’il s’intéresse. Certains élèves arrivent au concours parce qu’ils se disent “contrôleur aérien, c’est fonctionnaire d’État, c’est payé, je vais y aller.” Mais je ne me suis intéressé à rien. Aux oraux, on pose toujours la même question : pourquoi voulez-vous être contrôleur  C’est toujours la même réponse à la fin. C’est comme « pourquoi voulez-vous être pilote ? »  » J’aime les avions. » « Qui est ton pilote préféré ? » « Quel est ton avion préféré ? » Et là, rien…
Oui, il faut s’être renseigné un peu avant. Aux oraux, c’est bien vu d’avoir fait le BIA avant, quelquechose qui montre qu’on s’est intéressé.

Le concours TSEEAC de l’aviation civile

Krystel : Il existe un autre concours appelé concours TSEEAC, niveau bac. On peut s’inscrire à ce concours si on a le bac ou si on est dans l’année du bac. Ce qui est différent du concours ICNA que j’ai passé, qui lui, demande  2 ans de prépa avant et ensuite de passer le concours, qui est forcément national, en concurrence avec tous les autres élèves de prépa en France. Il y a parfois 2000 candidats pour une centaine de places et un gros niveau. Le concours TSEEAC, il y en a un en France, un en Polynésie. 

Le concours TSEEAC de Polynésie française

Krystel : le concours TSEEAC en Polynésie, dernièrement, c’est une fois tous les deux ans selon les besoins. Le concours en Polynésie a moins de concurrence car il n’y a que les élèves de Polynésie. Il permet de revenir travailler en Polynésie. Le concours ICNA en France n’assure pas un poste en Polynésie tout de suite, on peut avoir un poste en France d’abord. Il y a plus de chances de rester en France que de revenir ici.
Le concours TSEEAC permet d’être soit contrôleur à la tour de Bora-Bora, Raiatea ou Moorea, ou soit faire un poste de bureau en rapport avec les contrôleurs, par exemple être responsable au BRIA. Quand on pose les plans de vol, c’est un TSEEAC qui répond et fait le plan de vol. Il y a d’autres métiers en rapport, comme des TSEEAC qui font les licences de pilotage. Pour quelqu’un voulant faire que du contrôle, ICNA est mieux car on est contrôleur, alors que  TSEEAC peut aboutir à un poste de bureau selon les disponibilités et besoins.

TSEEAC : les évolutions de carrière

Krystel : Il y a possibilité de muter en interne pour devenir ICNA à la tour de Tahiti. Si on avait un poste de contrôle TSEEAC, c’est 6 ans plus tard il me semble pour devenir contrôleur ICNA. Si on avait un poste de bureau TSEEAC, c’est 9 ans plus tard.

Cédric : Une vraie promotion interne.

Krystel : Pour les élèves voulant revenir travailler en Polynésie, c’est peut-être la voie royale. Il faut passer tous les concours et voir où on est reçu. Beaucoup d’élèves à qui j’avais fait visiter la tour m’ont dit vouloir ICNA uniquement, ont passé ICNA uniquement et ne l’ont pas eu. Après, ce n’est pas interdit, tout le monde fait cela, ils font 2 ans de prépa, en même temps ils passent le concours TSEEAC pour voir s’ils l’ont ou non. Cela fait un entraînement et après 2 ans de prépa, ce n’est pas interdit de repasser ce concours niveau bac. On sera meilleur après deux ans de prépa.
Ce concours est d’un niveau assez élevé, avec des professeurs de mathématiques ou de physique-chimie qui le passent aussi, donc des personnes qui ont plus que le bac. Quand ils passent le concours, ils brillent dans leur matière, mais il y a aussi du français, de l’anglais. On peut toujours sortir son épingle du jeu. Il faut passer tout et voir ce à quoi on est reçu. Il y a aussi de l’anglais.

Cédric : Est-ce que, comme pour le concours ENAC, c’est éliminatoire d’être limité en anglais ?

Krystel : Oui, la note éliminatoire en mathématiques et en physique, il me semble que c’est 8, en anglais, c’est 12. Sur ce genre de concours là, 12 c’est dur à avoir. Ils se disent que c’est la matière sur laquelle ils vont écrémer. Comme il y a trop de candidats et peu de postes, ils peuvent se permettre de mettre un niveau d’anglais très haut.

Cédric : Pour passer ce concours, ici, localement, c’est à conseiller à des élèves avec un très bon niveau en mathématiques et en anglais, qui veulent travailler et rester ici (à Tahiti).

Krystel : Alors, tu passes le concours, mais quand tu l’as, tu vas quand même à l’ENAC. C’est une filière de l’ENAC. Tu y vas pour tes études, pour 2 ans. À l’issue des  2 ans, tu reviens ici. Alors que pour le concours ICNA, il faut faire 2 ans de prépa.
À l’époque, j’avais fait en France, donc 2 ans, plus 2 ans à l’ENAC, donc ça fait 4 ans. Ensuite, tu espères avoir un poste à Tahiti. Si tu n’as pas de poste à Tahiti, tu es dans un centre en France, environ 6 ans où tu dois rester. Cela fait 10 ans avant de pouvoir demander une mutation, que tu n’auras pas forcément à Tahiti. Si tu n’as pas de mutation, si tu as déjà fait  6 ans, tu attends qu’il y ait un poste.

Cédric : C’est une voie très intéressante.

Krystel : Avec des salaires très intéressants, moindres que les salaires ICNA car ce sont des petites tours, moins de responsabilités, mais totalement bien.

Cédric : Merci beaucoup pour le temps passé avec nous et pour tes réponses éclairantes, j’espère, pour les élèves qui seront intéressés par ce type de formation.

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