Le métier de contrôleur aérien – Partie 1

Nous avons rencontré Kristel, qui est contrôleuse aérienne à la tour de Tahiti-Faa’a.
Nous avons choisi de scinder son interview en deux parties : le premier article est consacré à la description du métier, les tâches exercées, les avantages et inconvénients, les enjeux.
Le deuxième article explique les études et les exigences pour devenir contrôleur. Il sera disponible le 17 juin 2025 😎
Vous pouvez choisir de visionner l’intégralité de l’interview en vidéo ou d’en lire un résumé dans l’article ci-dessous.
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Le métier de contrôleur aérien expliqué par Krystel

Le parcours de Krystel

Krystel : Je suis contrôleuse à la tour de Tahiti depuis quatre ans et avant ça, j’avais passé mon BIA avec Cédric en 2017, il me semble. Ensuite, j’ai fait une prépa en France pour devenir contrôleuse pendant deux ans. C’était à Bordeaux, donc prépa maths sup, maths spé et j’ai passé le concours pour être contrôleuse à l’ENAC. C’est la seule école qui permet d’être contrôleur civil. À l’issue de mes années à l’ENAC, donc deux ans, j’ai été mutée à Tahiti et ça fait quatre ans que je suis maintenant à la tour de Tahiti.

Cédric : On peut dire que c’est quand même un parcours un petit peu exceptionnel !

Krystel : Oui quand même, parce que ça faisait longtemps qu’ils n’avaient pas reçu de jeunes à la tour de Tahiti. Donc quand je suis arrivée, mon collègue le plus jeune avait quand même dix ans de plus que moi. Ce n’était pas quelque chose qui se faisait parce qu’il fallait faire ses armes en France. Mais après les années COVID, ils ont permis aux Tahitiens de pouvoir rentrer, donc on a été trois à rentrer juste après l’école.

Cédric : En étant aussi jeune que ça et en arrivant sur une tour qui est importante, tu as réussi à prendre tes marques rapidement ? 

Krystel : Oui, parce qu’en fait, on est bien encadré, donc dès qu’on arrive sur une tour, on est stagiaire sur cette tour avec un instructeur qui est à côté de nous, comme à l’auto-école pendant à peu près un an et demi. Deux ans pour savoir faire, en fait, toutes les positions qui sont à la tour de Tahiti.

Les différentes positions de contrôleur aérien

Contrôleur aérien : la position « sol »

Contrôleur aérien sol
Contrôleur aérien sol


Krystel : La position « sol », cela veut dire : faire rouler tout ce qui est au sol, donc autant les avions que les véhicules, jusqu’à arriver aux abords de la piste, faire croiser les avions qui rentrent de la piste vers le parking, ceux qui vont du parking à la piste et faire croiser tous les véhicules de la BGTA, donc de la gendarmerie, les véhicules qui viennent ravitailler les avions, les véhicules qui emmènent à manger dans les avions.
C’est une position qui est assez facile comparée aux autres. On peut dire aux avions et aux véhicules de s’arrêter, donc on a le temps de réfléchir à une stratégie pour pouvoir croiser.

Contrôleur aérien : la position « tour »

contrôleur aérien tour

Krystel : La position « tour », qu’on appelle aussi « locale », qui commence au moment où on entre sur la piste, donc le fameux trait blanc, le point d’attente.
Dès qu’on arrive au niveau de la piste, le contrôleur tour donne les autorisations de décollage et d’atterrissage et autorise aussi tous les mouvements qui sont aux abords proches de l’aéroport. Par exemple, les tours de piste.

Pour savoir si on est avec un contrôleur ou avec un autre, chaque position a une fréquence qui est allouée et donc les pilotes apprennent chaque fréquence différente par position de contrôle.

Contrôleur aérien : « l’approche »

Krystel : Le troisième poste de contrôleur, c’est l’approche : pour un avion en montée initiale jusqu’au niveau de croisière et dans l’autre sens, un avion qui descend de son niveau de croisière pour pouvoir atterrir. Le contrôleur « approche », son travail principal c’est de prendre les avions qui arrivent de toutes les directions pour un aéroport et de les ordonner en file indienne pour qu’ils puissent être sur le bon axe pour atterrir sur la piste.
Sachant qu’il faut mettre une certaine distance entre chaque avion pour permettre que ce soit assez éloigné pour que le premier avion posé ait le temps d’être vraiment dégagé pour que le deuxième puisse se poser, mais de ne pas trop non plus éloigner pour permettre d’accélérer le trafic.

Contrôleur aérien : le contrôle « en route »

Krystel : La quatrième position qu’on a à la Tour de Tahiti, c’est le contrôle « en route » : cela veut dire tous les aéronefs qui sont à des niveaux très hauts et qui sont en croisière. Donc, ça fait quatre postes à apprendre, mais on a déjà des notions qu’on nous apprend à l’ENAC (…)

Cédric : Dans le quatrième poste dont on a parlé « en route », là il y a des avions qui ne sont pas forcément destinés à atterrir ici. Ça peut être des avions qui croisent ?

Krystel : On a énormément de trafic qui transite au-dessus de notre zone aérienne la nuit, des avions qui font par exemple Australie-Los Angeles, qui viennent aussi du Chili et qui vont vers Los Angeles et qui passent par notre zone, donc sans se poser. Ils sont quand même dans notre zone aérienne et donc ils sont contrôlés par nous.

Si jamais il y a un souci, un déroutement, quelqu’un qui est malade et qui demande à revenir se poser ou à prévenir les opérations aériennes, c’est nous qui faisons le lien avec tout le personnel qui est au sol.
Donc la tour de Tahiti est ouverte 24h sur 24.

Les responsabilités du contrôleur aérien

Krystel : Le contrôleur aérien a pour mission :

  • d’assurer la sécurité des vols
  • de fluidifier au maximum le trafic

Normalement, de manière standard, un avion a une route aérienne qui lui est allouée, donc il doit suivre cette route grâce aux instruments qu’il a à bord. Et nous, quand on peut, sous notre responsabilité, on le sort de sa route en donnant par exemple des caps, des niveaux différents afin de pouvoir le raccourcir et l’emmener plus vite à son terrain de destination. Parfois, c’est parce qu’il y a une grosse cellule météo qu’il voudrait éviter sur la route standard donc il nous demande de lui faire éviter cette zone-là. Ça peut être à cause de turbulences (…) Et pour l’approcheur, c’est surtout quand on a plusieurs avions qui arrivent pour le même terrain et qui ont tous une estimée sur le terrain qui est la même. C’est-à-dire que si on les laissait, ils arriveraient au même moment, ce n’est pas possible.
Donc là, en fait, le but c’est vraiment de faire une file indienne des avions, donc d’en accélérer certains, d’en réduire d’autres, de les descendre comme il faut pour qu’ils ne soient pas trop hauts aux abords de l’aéroport (…)

Cédric : La question que se posent tous les petits pilotes qui ne parlent pas finalement avec les contrôleurs, c’est : « est-ce que vous donnez la priorité aux gros sur les petits ? »

Krystel : Alors non, il n’y a pas de règle de priorité, mais parfois sur la manière de faire, c’est vrai qu’un petit pilote qui a moins d’heures de vol, donc qui vole pour le plaisir, on aura moins tendance à faire confiance quand on serre les avions qu’un pilote de ligne qui lui, est professionnel. Donc c’est vrai que certaines fois, ils ont l’impression qu’on laisse passer les professionnels et eux passent derrière. Mais parfois c’est un peu une question de facteur humain. On a tendance à plus faire confiance à celui qui fait les choses souvent qu’à celui qui vole depuis pas longtemps.

Cédric : Au-delà de la confiance, c’est aussi pour le protéger lui, pour ne pas qu’il se trouve dans un stress important.

Krystel : C’est vrai, parce que parfois, on demande à l’avion qui se pose, donc si c’est un petit, « est-ce que vous pouvez rouler vite, dégager vite parce qu’il y en a qui sont derrière » et certaines fois ils ne peuvent pas parce qu’ils viennent juste d’avoir leur PPL : ils n’ont pas beaucoup d’heures de vol et  c’est normal d’avoir moins d’adaptabilité qu’un pilote de ligne, mais il n’y a pas de priorité.

Les contrôleurs aériens doivent-ils avoir la licence PPL ?

Krystel : Dans la formation pour être contrôleur aérien à l’ENAC, on a plusieurs stages obligatoires.
Il y a le stage PPL dont tout le monde rêve, qui est un stage où pendant deux mois et demi on est dans un aéroclub de l’ENAC et où on fait du pilotage tous les jours. Le but c’est d’avoir le PPL si on peut, si la météo le permet, au moins un LAPL. Tous les contrôleurs en tout cas de France, ont ce stage. Mais il n’y a pas d’obligation d’avoir le PPL. C’est vraiment pour pouvoir se mettre à la place du pilote. Mais c’est sûr qu’ils ont déjà fait quelques heures de pilotage (…)

L’environnement de travail dans une tour de contrôle

Contrôleur aérien : le travail en équipe

Krystel : Alors dans la tour dans laquelle je suis, mais dans plusieurs autres tours de France, on travaille en équipe. Donc une des qualités qu’il faut avoir, c’est savoir travailler en équipe (…)
Et en fait, surtout, avoir de la patience et écouter ce qui se passe sur les autres secteurs.
Une zone de contrôle est délimitée en différents secteurs, à gauche et à droite, mais aussi au-dessus et au-dessous. On fonctionne avec tous les secteurs qui sont adjacents, qui nous envoient des avions et nous, en contrepartie, on leur envoie aussi des avions en fonction de la phase de vol de l’avion.

Et c’est vrai qu’on est tout le temps à communiquer avec les autres : « Donc cet avion-là, tu le veux  comment ? Est-ce que tu veux que je le réduise ? Est-ce que tu veux que je le descende ?
Chaque zone qui est frontalière en fait, est une zone un petit peu difficile parce qu’il faut qu’on se mette d’accord sur qui va faire le croisement entre les deux avions, comment on envoie les avions à l’un ou à l’autre. Donc il faut vraiment savoir travailler en équipe.
Moi quand j’arrive, on est quatre contrôleurs nominalement dans la tour. Il y en a un qui est le chef de tour du jour, donc c’est celui qui va prendre des décisions importantes, comme fermer la piste s’il y a un accident, appeler le JRCC, faire toutes les communications avec les autres intervenants de la plateforme.
Il y a trois contrôleurs qu’on appelle premiers contrôleurs qui eux sont sur chaque position, chaque secteur et qui interagissent les uns avec les autres. Il se peut qu’on ne travaille pas toujours avec les mêmes personnes (…)
Donc il faut s’adapter parce qu’en effet, il y a des procédures standard, mais il y a aussi les façons de faire de chacun. Une des qualités d’un bon contrôleur, c’est de savoir travailler en équipe et faire preuve d’adaptabilité et de résilience par rapport aux manières de faire des autres (…)

La compétence sur les différents postes du contrôle aérien

Krystel : Lors de ta formation, tu es qualifié sur chaque poste et ensuite tous les jours tu changes de place. Donc tu fais deux heures le sol, deux heures l’approche, deux heures la tour alors que le contrôleur en route fait de l’en route toute la journée.
À Tahiti, c’est spécifique, on a tout ensemble. Donc on a aussi l’en route dans la tour, ce qui est aussi le cas à Cayenne et nulle part ailleurs.

Les outils de travail du contrôleur aérien

Krystel : On utilise le radar qui est en fait un écran sur lequel on voit, comme dans les films, des plots avec chaque avion. Sur ces plots, on a la vitesse de l’avion, on a le type d’aéronef, le niveau de vol, plusieurs informations sur l’avion, la route standard qu’il suit.
Depuis pas très longtemps à Tahiti, on n’appelle plus ça un écran radar, on appelle ça un écran ADS-B. C’est une autre manière de voir les avions, mais c’est à peu près le même fonctionnement.
Le souci, c’est que ces écrans-là ratissent une certaine zone qui a une limite, tellement la Polynésie est grande (…) Donc il y a certains endroits qui sont beaucoup trop loin pour être vus sur l’ADS-B et donc on contrôle d’une autre manière dans ces endroits, c’est un contrôle non radar (…) Il nous faut une antenne et sur certaines îles éloignées, on n’a pas la possibilité de mettre des antennes (…) C’est pour ça qu’on a différentes manières de séparer les avions dans ces endroits-là où on ne les voit pas.

Nathalie : Ce sont des spécificités propres à la Polynésie ? 

Krystel : C’est ça parce qu’en France, il y a tellement d’antennes partout qu’on n’aurait pas ce souci-là. Et donc c’est vrai que même si on a fait beaucoup de centres avant en France, quand on arrive ici, il faut apprendre des choses qu’on n’a jamais vues avant. Donc il faut s’adapter. Mais d’un autre côté, c’est ce qui donne tout le charme au contrôle de Polynésie parce qu’on arrive à faire des choses qu’on n’avait pas faites avant. Et donc ça nous met de la difficulté dans des endroits où il n’y a pas beaucoup d’avions, mais c’est quand même dur de pouvoir les gérer tous ensemble parce qu’en fait, il n’y a aucun moyen radio pour nous aider.

Cédric : Ici, vous avez des difficultés mais qui n’ont aucun rapport avec ce qu’on peut avoir en Europe ou aux États-Unis. En Europe ou aux États-Unis, c’est le volume qui crée la difficulté.

Krystel : La difficulté, c’est de faire passer un maximum d’avions en un minimum de temps.
Ici, c’est faire passer des avions à des endroits où il n’y a rien, et en sécurité et se rendre compte rapidement que l’avion est en difficulté alors qu’on ne le voit pas et qu’on ne l’entend pas bien. Les pilotes qui sont ici savent qu’ils doivent nous rappeler toutes les 30 minutes pour nous dire « tout va bien, on maintient ce niveau-là, opération normale ». Dès qu’on n’a pas une réponse, on déclenche le JRCC et les recherches pour voir si ça va. Très souvent, c’est parce qu’on les capte très mal à la fréquence, donc ils ont du mal à nous parler. Mais certaines fois, c’est parce que certains avions ont des difficultés et là, il faut mettre les moyens qu’il faut pour aller les aider.

Contrôleur aérien : la gestion du stress et de la pression

Krystel : La gestion du stress, c’est peut-être le plus difficile parce qu’il y a quand même une notion d’inné. Il y a certaines personnes qui aiment ça, il y en a qui ne l’aiment pas du tout et c’est pour ça qu’il y a plusieurs manières de travailler.
Il y en a qui vont essayer de serrer au maximum les avions pour pouvoir en faire passer beaucoup et il y en a qui ne se sentent pas à l’aise dans le fait de serrer les avions et qui vont plus prendre de distance.
Il y a plusieurs manières de contrôler et aussi il y a une certaine notion d’adaptation à la difficulté. Quand on a contrôlé tous les jours et qu’on essaye de sortir de sa zone de confort, à chaque fois, on se sent plus à l’aise (…)
C’est un des avantages du contrôle. En travaillant en équipe, chacun a sa zone, est responsable de sa zone et ne dépend pas trop des autres sur les avions qu’il a à l’intérieur de sa zone. Mais d’un autre côté, s’il y  a un souci, il faut avoir les épaules pour gérer le souci seul. Ponctuellement, tu peux demander, mais il faut te dire qu’il y aura des moments où personne ne pourra t’aider parce que tout le monde sera occupé.
Si tu fais ce travail-là, c’est que tu as les épaules pour le faire.

Cédric : Moi qui suis côté pilote, je sais qu’il y a d’autres qui voient en fonction du contrôleur, les efforts qui sont faits pour accélérer, trouver des solutions ou pas. Et en fait, on ressent à travers ce que dit le contrôleur, tout ce travail et le niveau de stress chez le contrôleur. On le sent et parfois, ça m’est arrivé que ça devienne gênant dans le bon sens du terme. C’est-à-dire qu’on se dit « mais qu’est-ce qui est en train de se passer ? » Parce que nous, en fait, on ne voit rien. Nous, on voit que notre petit avion et c’est tout. On sent la voix du contrôleur monter dans les tours, qui parle un peu différemment, qui ne nous laisse pas le temps de répondre. On est accroché à votre voix, on en attend beaucoup.

Krystel : Oui, en fait, la voix du contrôleur est super importante. Ça, c’est vraiment le facteur humain. Si le contrôleur commence à douter ou à stresser, ça se ressent sur tout le trafic qui est sur la même fréquence. Et d’un autre côté, si le contrôleur est très sûr de lui, très posé, ça donne le ton à tout le monde (…)
Il y a vraiment un lien qui se fait. Et c’est vrai qu’en fait, il faut tout de suite faire retomber la pression quand il y en a. Il y a des moments où il y a énormément de trafic, il faut être rapide, mais tout en prenant le temps pour chaque avion parce que si on va trop vite, l’avion ne comprendra pas ce qu’on veut qu’il fasse. Et il va falloir de toute manière revenir sur la situation, donc autant mieux bien gérer.

Nathalie : Et là je reviens sur ce que tu disais tout à l’heure, l’importance de comprendre ce que vit le jeune pilote PPL dans son avion tout seul.

Krystel : Oui, et ici c’est d’autant plus vrai parce qu’il y a deux aéroclubs qui sont basés sur un terrain où il y a des gros porteurs, il y a des compagnies aériennes domestiques qui volent sans arrêt. C’est vraiment des niveaux de pilotage différents et des capacités de pilotage différentes.
Dans certaines situations, il arrive même très souvent que ce soit le petit pilote qui n’a pas beaucoup d’heures qui soit prioritaire sur tout le monde parce qu’il y a de la turbulence, parce qu’il y aura peut-être bientôt la tombée de la nuit et donc lui il va falloir qu’il rentre. On aura sécurisé celui-ci et les autres, on sait qu’au pire ils peuvent faire (…)

Les situations d’urgence

Krystel : Il y en a quand même beaucoup des situations d’urgence.  Il y en a très peu dont on parle dans les journaux mais toutes les semaines, on a quelque chose plus ou moins grave, mais de toute manière, une situation anormale qui peut virer en situation d’urgence ou pas.

  • Des avions qui tapent des oiseaux à l’envol, il y en a très souvent.
  • On a des travaux sur la piste qui sont des situations anormales donc la piste est plus courte. Pour les avions aussi c’est différent parce qu’ils ne pourront pas poser comme ils ont l’habitude de faire.
  • Dernièrement, j’avais eu un gros porteur qui devait aller vers Los Angeles et qui a demandé à se dérouter et à revenir ici parce qu’il y avait un passager qui était malade.

C’est là que le chef de tour coordonne toute l’arrivée de l’avion. Mais à beaucoup de situations d’urgence, il y a la check-list qui va avec parce qu’on sait que dans ces moments-là, il faut qu’on n’oublie rien.
Tu suis des procédures. On est contents de les avoir parce que, à ce moment-là, c’est le blanc dans la tête. Quand la personne a la voix chevrotante, on a des soucis, là il faut faire quelque chose.

La gendarmerie contrôle les contrôleurs aériens

Cédric : Est-ce que comme certaines compagnies aériennes qui maintenant mettent en place des tests avant de rentrer dans le cockpit pour les pilotes, par exemple, des tests pour savoir si les gens ont bu ou ont pris de la drogue ou des médicaments, est-ce qu’il y a ça aussi qui commence à arriver sur les tours ?

Krystel : Oui. Alors il y a la possibilité que la gendarmerie, ici c’est la BGTA, arrive en tour et fasse un test à tout le monde, à n’importe quelle heure du jour et de la nuit, dans toutes les tours de France d’ailleurs.
Et de toute manière, on a de programmé une visite médicale tous les deux ans qui est complète. À cette visite médicale, ce n’est pas possible de mentir.

Avantages et inconvénients
du métier de contrôleur aérien

Krystel : En fait, le métier est super. C’est vraiment un métier où tu viens au travail, c’est intense mais tu vois tout de suite les fruits de ton travail. Tourner les avions, les descendre, « je le vois atterrir, c’est bon » : c’est vraiment une satisfaction qui est immédiate.
Et quand tu rentres, c’est coupé, donc tu ne rentres pas avec ton travail à la maison, tu as déjà ça. Puis tu as cette sensation quand même de « je contrôle quelque chose, je maîtrise », c’est hyper galvanisant, mais c’est comme le pilotage.
Après, les soucis, c’est les mêmes que pour le pilotage. On travaille de nuit, on travaille les jours fériés, on travaille les week-ends et donc on est toujours en train de rattraper les heures de sommeil qu’on n’a pas eues. Après on a une nuit, du coup il faut rattraper. On a vraiment un planning de travail qui n’est pas du tout cadencé avec celui de tous les autres. Moi, ce qui me fait rire c’est quand je rentre de nuit, donc je suis hyper fatiguée à 7h du matin, il y a toutes les personnes fraîches qui vont à l’école, qui vont au travail. Moi, pas du tout. Laissez-moi dormir !

L’importance de la maîtrise de l’anglais 🇬🇧

Krystel : On a une sorte de suivi continu en anglais et donc beaucoup de cours d’anglais avec des professeurs qui sont très souvent natifs anglais et qui parlent, et surtout pour l’aéronautique, on choisit beaucoup d’audio ou de supports de travail avec un accent parce qu’il faut qu’on puisse comprendre les accents de toutes les compagnies. Un anglophone qui parle très bien anglais, c’est facile à comprendre,mais quelqu’un qui n’est pas anglais, qui parle en anglais avec un anglais approximatif, moi qui suis française, il faut qu’on puisse se comprendre à un moment, surtout quand ce sont des situations qui sont anormales. Ce n’est pas de la phraséologie standard.

Cédric : Plus le stress.

Krystel : Plus la radio qui crache…

Quel avenir pour le métier de contrôleur aérien
avec le développement de l’IA ?

Krystel : Disons qu’on a des systèmes d’aide à la décision qui nous calculent que cet avion est au même niveau que celui-ci, ils vont passer à moins que la norme qu’on doit normalement donner. Donc ça nous flashe en rouge. Il y a des alertes, mais plus loin que ça, ce serait quand même difficile parce que tous les jours, on doit quand même prendre des décisions qui prennent en compte tellement de critères qui ne peuvent pas être mathématisés que ce serait compliqué.
Par exemple, comme on disait, la voix d’un pilote, un jeune pilote, qui est chevrotante, tu te dis « Lui, je vais vite le ramener parce que je sens qu’il n’est pas bien ».
Ou bien des phénomènes météo qui sont à certains endroits. Là, on va décider de tourner cet avion et de le descendre parce que la météo ne permet pas de lui faire prendre sa route qui est standard.
Il y a le cas des vents qui sont en cisaillement, par exemple sur la tour de Tahiti où parfois, le vent n’est ni bon pour une piste, ni bon pour l’autre. Là, il faut vraiment être sur place avec les yeux pour se dire « bon, on va tenter ça ». Mais c’est très rare que dans le domaine de l’aéronautique, il y ait une bonne ou une vraie réponse.

Nathalie : Ce n’est pas pour demain les robots dans la tour de contrôle, ni même les robots dans les avions ?

Krystel : Ni d’un côté, ni de l’autre. On a encore quelques années devant nous.

Cédric : L’aéronautique est internationale, les avions viennent de l’étranger pour arriver chez nous. Et donc il faudrait se mettre d’accord sur des procédures qui seraient les mêmes d’un endroit à un autre. Mais on voit bien que dans le monde ça ne fonctionne pas et ça coûterait en plus très très cher.

Krystel : Ça voudrait dire que chaque pays a assez d’argent pour pouvoir réinvestir dans un nouveau système que tout le monde aurait, et pouvoir faire des coordinations entre chaque système. C’est impossible. Et aussi, même pour la prise de décision du pilote : il y a quelqu’un qui est malade, je ne sais pas, quelqu’un qui ne se sent pas bien, mais je sens quand même qu’il faut dérouter, mais on n’est pas sûr. Il n’y a pas de médecin à bord. C’est toujours important d’avoir l’aspect humain qui va prendre la décision (…)

Cédric : Exactement. Krystel, merci beaucoup de cet entretien et pour tes réponses éclairantes, j’espère, pour les élèves qui seront intéressés par ce type de formation.
J’avais beaucoup apprécié quand tu étais venue suivre les cours du BIA, les quelques vols qu’on a faits ensemble.
Et puis on va se revoir dans quelques temps en vol !

Retrouvez l’intégralité de l’interview dans la vidéo.
Vous pouvez également consulter l’article « Devenir contrôleur aérien : études et carrière » disponible le 17 juin 2025 😎
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