Les lanceurs Ariane : bref historique
Quelle est l’origine des lanceurs européens ?
La première fusée européenne
Dans les années 60, l’Europe est à la traîne dans la recherche spatiale si on la compare aux programmes américains et soviétiques. Afin de se garantir un accès autonome à l’espace, elle décide de se doter d’une fusée nommée Europa. Elle est produite conjointement par trois pays, l’Angleterre, la France et l’Allemagne :
- L’Angleterre réutilise son missile balistique Blue Trek, constituant ainsi le premier étage de la fusée.
- La France construit le deuxième étage.
- L’Allemagne est en charge du troisième.
L’Italie, la Belgique et les Pays-Bas participent dans une moindre mesure ainsi que l’Australie qui propose son site de Woomera pour le lancement de Europa 1.
Europa subit des échecs successifs dont une explosion, échecs dûs principalement à un manque de moyens et de coordination entre les pays européens partenaires. Le programme est donc abandonné en 1971.
Création de l’agence spatiale européenne : la naissance du lanceur Ariane
Sans lanceur, l’Europe est à la merci des Etats-Unis qui imposent leurs conditions commerciales pour la mise sur orbite du satellite européen Symphonie. Il devient crucial pour l’Europe d’obtenir une souveraineté d’accès à l’espace. Crucial pour le développement des technologies à usage civil mais aussi indispensables à la Défense !
Le programme Ariane est lancé en 1973 avec un objectif : ne plus dépendre de pays tiers pour le lancement des satellites.
Des débuts difficiles
Pourtant, faisant suite aux échecs de la fusée Europa, Ariane est un projet jugé peu crédible à l’échelle européenne. Le programme est davantage vu au départ comme un moyen de dissuader les Etats-Unis d’imposer ses conditions d’accès à l’espace et le gouvernement français doute de la réussite d’Ariane.
Et pourtant, l’ESA, l’agence spatiale européenne, est créée par l’Europe en 1975 : 11 états signent la convention de l’Agence Spatiale européenne (elle compte 22 membres en 2024).
Son siège se trouve à Paris mais elle dispose aux Pays-Bas, en Allemagne, en Italie, en Espagne de centres aux activités variées. Pour le lancement, l’emplacement idéal se situe à l’équateur car il permet une plus grande vitesse de lancement grâce à la rotation de la Terre. Le Centre Spatial Guyanais situé à Kourou devient ainsi la base de lancement de l’ESA.
Les lanceurs Ariane : de Ariane 1 à 4
Ariane 1 décolle le 24 décembre 1979. Elle embarque près de 1,7 tonnes.
Manquant de puissance, elle est remplacée quelques années plus tard par Ariane 2, qui fera son premier vol en 1984 avec une capacité d’emport de 2,2 tonnes, puis ce sera le tour d’Ariane 3 en 1986 avec 2,7 tonnes de charge utile. Deux ans plus tard, Ariane 4 fait son vol inaugural et peut placer de 2 à 4,3 tonnes en orbite géostationnaire.
Nous sommes à la fin des années 80 et en une décennie, l’ESA a conçu 3 lanceurs !
Mais ça ne suffit pas ! L’Europe doit poursuivre ses efforts pour devenir compétitive.
Le lanceur Ariane 5
Parce qu’il faut lancer toujours plus de satellites avec une demande en hausse, un nouveau lanceur est conçu : le premier vol d’Ariane 5 a lieu le 4 juin 1996 mais le lanceur dévie de sa trajectoire et doit être détruit.
Pourtant, Ariane 5 deviendra un lanceur extrêmement fiable ! En ce qui concerne la charge utile, les progrès sont notables par rapport aux lanceurs précédents ! Ariane 5 peut placer 9,4 tonnes en orbite géostationnaire ce qui la place leader sur le marché des lancements de satellite de télécommunications.
Quelques points clés du bilan d’Ariane 5
Ariane 5 : un accès indépendant à l’espace
Depuis son vol inaugural en 1996, Ariane 5 a été un acteur majeur dans le domaine des lancements spatiaux commerciaux et institutionnels. Capable de placer jusqu’à 10 tonnes en orbite de transfert géostationnaire (GTO) et 20 tonnes en orbite basse (LEO), le lanceur Ariane 5 s’est avéré polyvalent pour diverses missions.
Ariane 5 : des lancements réussis
Entre 1996 et 2023, Ariane 5 a effectué 117 lancements. Son dernier vol a eu lieu le 4 juillet 2023 depuis Kourou.
Avec un taux de fiabilité de 98,4%, Ariane 5 est devenu l’un des lanceurs les plus fiables au monde !
En 2009, l’Europe détenait ainsi 50% de parts de marché. C’était avant l’arrivée de Space X, un acteur devenu majeur dans le secteur spatial américain si bien que la NASA confie désormais des missions à SpaceX.
Ariane 5 a lancé des missions emblématiques telles que le télescope spatial Herschel et le satellite Planck en 2009, et plus récemment, le télescope spatial James Webb (JWST) une coopération entre les agences spatiales américaine, la NASA, européenne, l’ESA et canadienne, l’ASC.
Le lanceur a aussi été utilisé pour déployer des satellites de télécommunications, des missions scientifiques et des cargaisons pour la Station spatiale internationale (ISS).

À son bord, le télescope James Webb. Photo Credit : (NASA/Chris Gunn)
Le lanceur Ariane 5 ne vole plus, place à Ariane 6
Quels sont les enjeux d’Ariane 6 ?
Ariane 6 arrive avec quatre ans de retard. Il était temps ! Depuis le début de la guerre en Ukraine, l’Europe n’avait plus la possibilité d’utiliser le lanceur Russe Soyouz pour déployer ses satellites.
Il devenait urgent de retrouver un accès fiable à l’espace tant pour un usage civil (GPS Galileo, télécommunications, programme Copernicus d’observation de la Terre…) que militaire.

Le réseau européen de satellites Galileo
Ariane 6 doit être moins coûteuse
Le développement d’Ariane 6 est crucial pour maintenir l’indépendance et la compétitivité de l’Europe dans le secteur spatial, face à une concurrence internationale de plus en plus féroce, depuis le premier lancement réussi du Falcon 1 de SpaceX en 2008. Il s’agit donc de réduire le coût par lancement face à SpaceX et ses lanceurs Falcon 9 et Falcon Heavy réutilisables.
L’utilisation de techniques de fabrication plus modernes et une conception simplifiée contribuent à cette réduction des coûts.
Ariane 6 sera modulaire
Ariane 6 est conçu pour être plus modulaire avec deux configurations principales : A-62 (deux boosters latéraux à poudre) et A-64 (quatre boosters).
Masse totale au décollage :
Ariane 62 : 530 tonnes
Ariane 64 : 860 tonnes
Capacité d’emport en orbite géostationnaire :
A-62 : 4,5 tonnes
A-64 : 11,5 tonnes

En adaptant ainsi la capacité de lancement aux besoins spécifiques de chaque mission, la société française Arianespace pourra commercialiser une gamme plus large de missions, de l’envoi de petits satellites en orbite basse à des charges plus lourdes en orbite géostationnaire.
Ariane 6 est innovante
Pour concevoir Ariane 6, ArianeGroup a développé des matériaux innovants pour le soudage du corps des fusées, le traitement de surface ou la protection thermique des réservoirs cryogéniques ainsi que la fabrication du système de propulsion avec l’impression 3D. Ces innovations technologiques concernent aussi le nouveau moteur, le Vinci, réutilisable car réallumable plusieurs fois ce qui permettra de larguer des satellites sur différentes orbites.
Ariane 6 a réussi son premier vol en juillet 2024

Le premier vol du lanceur Ariane 6 s’est déroulé le 9 juillet 2024 depuis la base de lancement de Kourou, en Guyane française, base gérée par le CNES. Ce vol a été un succès.
Il est prévu d’effectuer 9 lancements par an pour commencer et jusqu’à 11 ou 12 par an.
L’Europe est de nouveau souveraine en matière d’accès à l’espace et le carnet de commandes d’Ariane 6 se remplit : 30 missions déjà prévues, un chiffre pourtant modeste en comparaison des 96 lancements réalisés par SpaceX en 2023. De son côté, la Chine continue de s’imposer dans le paysage spatial avec 63 lancements de ses fusées Longue Marche en 2023.
Ariane 5 a été une pierre angulaire du programme spatial européen, et Ariane 6 représente un effort pour moderniser cette capacité afin de relever le défi de la compétitivité.
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